Faux traders de cryptomonnaie : comment se protéger et obtenir justice ?

Face à la recrudescence des arnaques aux cryptomonnaies, les victimes se retrouvent souvent démunies. Quelles sont les options juridiques pour lutter contre ces escrocs du numérique ? Cet article fait le point sur les recours possibles et les moyens de se prémunir.

Le phénomène grandissant des faux traders de cryptomonnaies

Les escroqueries liées aux cryptomonnaies se multiplient à mesure que ce marché gagne en popularité. Des individus mal intentionnés se font passer pour des traders ou des conseillers en investissement spécialisés dans les cryptoactifs. Leur mode opératoire consiste généralement à promettre des rendements mirobolants pour attirer les investisseurs, avant de disparaître avec les fonds.

Ces arnaques prennent différentes formes : fausses plateformes d’échange, systèmes pyramidaux, usurpation d’identité de personnalités connues, etc. Les escrocs utilisent des techniques de manipulation psychologique bien rodées pour mettre en confiance leurs victimes et les pousser à investir toujours plus.

L’ampleur du phénomène est difficile à quantifier précisément, mais selon l’Autorité des marchés financiers (AMF), les signalements liés aux cryptoactifs ont bondi de 400% entre 2020 et 2021. Les préjudices peuvent atteindre plusieurs dizaines voire centaines de milliers d’euros pour certaines victimes.

Le cadre juridique applicable aux escroqueries aux cryptomonnaies

D’un point de vue juridique, les arnaques aux cryptomonnaies relèvent principalement du délit d’escroquerie, défini à l’article 313-1 du Code pénal. Il s’agit du fait de tromper une personne par des manœuvres frauduleuses pour l’inciter à remettre des fonds ou des biens.

L’escroquerie est punie de 5 ans d’emprisonnement et 375 000 euros d’amende. Des circonstances aggravantes peuvent alourdir la peine, comme le fait d’utiliser un réseau de communication électronique (7 ans et 750 000 euros).

D’autres qualifications pénales peuvent s’appliquer selon les cas : abus de confiance, blanchiment, exercice illégal de la profession de banquier, etc. La loi PACTE de 2019 a par ailleurs introduit un cadre réglementaire spécifique pour les prestataires de services sur actifs numériques (PSAN), avec une obligation d’enregistrement auprès de l’AMF.

Les recours possibles pour les victimes

Si vous avez été victime d’une arnaque aux cryptomonnaies, plusieurs options s’offrent à vous :

1) Porter plainte auprès des services de police ou de gendarmerie. Une plainte peut être déposée même si l’auteur des faits n’est pas identifié. Il est recommandé de rassembler un maximum de preuves : échanges de mails, captures d’écran, relevés bancaires, etc.

2) Saisir le procureur de la République par courrier. Cette démarche permet de signaler les faits directement à la justice, qui décidera des suites à donner.

3) Se constituer partie civile auprès du doyen des juges d’instruction. Cette procédure permet d’obtenir l’ouverture d’une information judiciaire si le parquet n’a pas donné suite à la plainte initiale.

4) Saisir les autorités de régulation comme l’AMF ou l’ACPR (Autorité de contrôle prudentiel et de résolution). Ces organismes peuvent enquêter et prendre des sanctions administratives.

5) Porter l’affaire devant les juridictions civiles pour obtenir réparation du préjudice subi. Cette voie peut être envisagée en parallèle de l’action pénale.

Les difficultés liées aux poursuites judiciaires

Malgré l’existence de ces recours, les victimes font face à plusieurs obstacles dans leurs démarches judiciaires :

– La localisation des auteurs à l’étranger complique souvent les poursuites. Beaucoup d’escrocs opèrent depuis des pays peu coopératifs en matière judiciaire.

– L’anonymat permis par les cryptomonnaies rend difficile l’identification des fraudeurs et le traçage des fonds.

– Le manque de moyens des services d’enquête face à la technicité de ces affaires.

– La lenteur des procédures, qui peuvent s’étaler sur plusieurs années.

– La difficulté à récupérer les fonds détournés, souvent rapidement blanchis ou convertis.

Ces obstacles ne doivent pas pour autant décourager les victimes d’agir en justice. Même si les chances de succès sont parfois minces, les plaintes permettent de faire avancer la lutte contre ce type de criminalité.

Le rôle clé de la prévention

Face aux difficultés pour obtenir réparation a posteriori, la prévention joue un rôle essentiel. Plusieurs bonnes pratiques permettent de réduire les risques :

– Vérifier systématiquement l’identité et les agréments des intermédiaires financiers auprès des autorités de régulation (AMF, ACPR).

– Se méfier des promesses de rendements anormalement élevés ou garantis.

– Ne jamais communiquer ses données personnelles ou bancaires à des tiers non vérifiés.

– Diversifier ses investissements et ne pas mettre tous ses œufs dans le même panier.

– S’informer sur le fonctionnement des cryptomonnaies avant d’investir.

– Utiliser uniquement des plateformes d’échange réputées et sécurisées.

Les autorités et associations de consommateurs multiplient les campagnes de sensibilisation sur ces sujets. L’éducation financière du grand public reste un enjeu majeur pour lutter contre les arnaques.

Vers un renforcement de l’arsenal juridique ?

Face à l’ampleur du phénomène, de nombreuses voix s’élèvent pour réclamer un durcissement de l’arsenal juridique contre les escroqueries aux cryptomonnaies. Plusieurs pistes sont évoquées :

– Créer une infraction spécifique d’escroquerie aux cryptoactifs, avec des peines alourdies.

– Renforcer les moyens d’enquête des services spécialisés dans la cybercriminalité financière.

– Améliorer la coopération internationale pour faciliter les poursuites transfrontalières.

– Imposer des obligations de vigilance accrues aux plateformes d’échange de cryptomonnaies.

– Mettre en place un fonds d’indemnisation pour les victimes, sur le modèle de ce qui existe pour d’autres types de fraudes.

Au niveau européen, le futur règlement MiCA (Markets in Crypto-Assets) devrait apporter un cadre réglementaire harmonisé et plus protecteur pour les investisseurs en cryptoactifs. Son entrée en application est prévue pour 2024.

L’importance d’une approche globale

La lutte contre les faux traders de cryptomonnaies nécessite une approche globale combinant plusieurs leviers :

– Le renforcement du cadre juridique et des moyens d’enquête.

– L’amélioration de la coopération internationale entre autorités.

– La régulation du secteur des cryptoactifs.

– La sensibilisation et l’éducation du grand public.

– Le développement de solutions technologiques pour sécuriser les transactions.

Seule une action coordonnée sur ces différents fronts permettra de réduire efficacement le nombre de victimes et de faire reculer ce type de criminalité financière.

Face à l’essor des cryptomonnaies, la protection des investisseurs contre les arnaques devient un enjeu majeur. Si les recours juridiques existent, ils se heurtent encore à de nombreux obstacles. La prévention et le renforcement de l’arsenal législatif apparaissent comme des axes prioritaires pour lutter contre ce fléau. Les victimes ne doivent pas hésiter à porter plainte pour faire valoir leurs droits, même si le chemin vers la réparation peut s’avérer long et complexe.