La fécondation in vitro (FIV) et la grossesse qui en résulte soulèvent des questions juridiques complexes en matière de droit du travail, notamment dans le cadre d’une rupture conventionnelle. Entre protection de la maternité et liberté contractuelle, quels sont les droits et obligations des parties ?
Le cadre juridique de la FIV et de la grossesse au travail
La fécondation in vitro est encadrée par les lois de bioéthique en France. Elle est considérée comme un traitement médical à part entière. À ce titre, les salariées qui y ont recours bénéficient de protections spécifiques. Une fois la grossesse confirmée, le Code du travail prévoit des dispositions particulières pour protéger la femme enceinte au travail.
Pendant la période de traitement FIV, la salariée a droit à des autorisations d’absence pour les examens médicaux obligatoires. Ces absences sont assimilées à du temps de travail effectif et ne peuvent entraîner aucune diminution de rémunération. L’employeur doit aménager les horaires de travail si nécessaire pour permettre le suivi du traitement.
Une fois la grossesse déclarée, la salariée bénéficie d’une protection renforcée contre le licenciement. Elle a droit à des autorisations d’absence pour les examens prénataux obligatoires. L’employeur doit veiller à adapter son poste de travail si nécessaire pour préserver sa santé et celle de l’enfant à naître.
La rupture conventionnelle : principes et procédure
La rupture conventionnelle est un mode de rupture du contrat de travail à durée indéterminée (CDI) d’un commun accord entre l’employeur et le salarié. Elle a été introduite par la loi du 25 juin 2008 portant modernisation du marché du travail.
La procédure de rupture conventionnelle comprend plusieurs étapes :
1. Un ou plusieurs entretiens entre les parties
2. La signature d’une convention de rupture
3. Un délai de rétractation de 15 jours calendaires
4. L’homologation de la convention par la Direction régionale de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités (DREETS)
La rupture conventionnelle ouvre droit pour le salarié à l’assurance chômage et au versement d’une indemnité spécifique de rupture conventionnelle dont le montant ne peut être inférieur à l’indemnité légale de licenciement.
FIV et rupture conventionnelle : quelle articulation ?
La question de l’articulation entre FIV, grossesse et rupture conventionnelle soulève plusieurs enjeux juridiques. D’un côté, le principe de liberté contractuelle permet à l’employeur et à la salariée de convenir d’une rupture conventionnelle. De l’autre, le droit du travail protège spécifiquement les femmes enceintes ou en traitement FIV.
Pendant la période de traitement FIV, aucune disposition légale n’interdit la conclusion d’une rupture conventionnelle. Toutefois, le juge pourrait être amené à vérifier que le consentement de la salariée n’a pas été vicié, notamment si l’employeur a fait pression pour obtenir son accord en profitant de sa situation de vulnérabilité.
Une fois la grossesse déclarée, la situation est plus complexe. En effet, l’article L.1225-4 du Code du travail interdit le licenciement d’une salariée en raison de son état de grossesse. Cette protection s’étend du début de la grossesse jusqu’à 10 semaines après la fin du congé maternité.
La Cour de cassation a eu l’occasion de se prononcer sur cette question dans un arrêt du 25 mars 2015. Elle a jugé que la rupture conventionnelle conclue en cours de grossesse n’était pas nulle de plein droit. Toutefois, elle a précisé que le juge devait vérifier que le consentement de la salariée n’avait pas été vicié et que la rupture n’était pas en réalité motivée par l’état de grossesse.
Les précautions à prendre pour sécuriser la rupture conventionnelle
Pour sécuriser une rupture conventionnelle dans le contexte d’une FIV ou d’une grossesse, plusieurs précautions doivent être prises :
1. Vérifier l’initiative de la rupture : il est préférable que la demande émane de la salariée elle-même.
2. Documenter les motifs de la rupture : il est recommandé de consigner par écrit les raisons qui ont conduit à envisager une rupture conventionnelle, indépendamment de la FIV ou de la grossesse.
3. Respecter scrupuleusement la procédure : les entretiens doivent être menés dans un climat serein, sans pression, et la salariée doit disposer de toutes les informations nécessaires pour prendre sa décision.
4. Prévoir une indemnité supérieure au minimum légal : cela peut démontrer la bonne foi de l’employeur et l’absence d’intention discriminatoire.
5. Mentionner explicitement l’état de grossesse dans la convention de rupture, si celui-ci est connu au moment de la signature.
Les recours possibles en cas de contentieux
Malgré ces précautions, un contentieux peut survenir si la salariée estime que son consentement a été vicié ou que la rupture est en réalité motivée par son état de grossesse ou son traitement FIV.
Dans ce cas, elle peut saisir le Conseil de prud’hommes pour demander l’annulation de la rupture conventionnelle et sa réintégration dans l’entreprise. Elle peut également réclamer des dommages et intérêts pour le préjudice subi.
Le juge examinera alors les circonstances de la rupture pour déterminer si le consentement de la salariée était libre et éclairé. Il vérifiera notamment :
– L’existence d’un différend préexistant entre les parties
– Le contexte de la rupture (réorganisation de l’entreprise, difficultés économiques, etc.)
– Le comportement de l’employeur avant et pendant la procédure de rupture
– Le montant de l’indemnité de rupture conventionnelle
Si le juge constate que la rupture conventionnelle dissimule en réalité un licenciement motivé par l’état de grossesse, il pourra prononcer la nullité de la rupture et ordonner la réintégration de la salariée. Il pourra également condamner l’employeur à verser des dommages et intérêts pour licenciement nul.
L’impact sur les droits sociaux de la salariée
La rupture conventionnelle d’une salariée en cours de FIV ou de grossesse peut avoir des conséquences importantes sur ses droits sociaux :
1. Assurance chômage : la salariée pourra bénéficier des allocations chômage, mais le versement sera suspendu pendant le congé maternité.
2. Indemnités journalières : si la rupture intervient avant le début du congé maternité, la salariée ne pourra pas bénéficier des indemnités journalières versées par la Sécurité sociale pendant ce congé.
3. Couverture maladie : la salariée bénéficiera du maintien de ses droits à l’assurance maladie pendant un an après la rupture du contrat.
4. Retraite : les trimestres de congé maternité seront validés pour la retraite, même si la salariée n’est plus en activité.
Il est donc crucial pour la salariée d’être pleinement informée de ces conséquences avant de consentir à une rupture conventionnelle.
Les alternatives à la rupture conventionnelle
Face aux risques juridiques liés à la rupture conventionnelle dans le contexte d’une FIV ou d’une grossesse, d’autres options peuvent être envisagées :
1. Le congé sans solde : il permet à la salariée de s’absenter temporairement de l’entreprise tout en conservant son contrat de travail.
2. Le temps partiel : il peut être une solution pour concilier vie professionnelle et traitement FIV ou grossesse.
3. Le télétravail : il peut offrir plus de flexibilité à la salariée pour gérer ses rendez-vous médicaux.
4. La rupture conventionnelle différée : les parties peuvent convenir de repousser la date de rupture effective après la fin de la période de protection liée à la grossesse.
Ces alternatives permettent de préserver les droits de la salariée tout en répondant à ses besoins ou à ceux de l’entreprise.
L’articulation entre FIV, grossesse et rupture conventionnelle soulève des questions juridiques complexes. Si la rupture conventionnelle n’est pas interdite dans ce contexte, elle doit être maniée avec prudence. Employeurs et salariées doivent être parfaitement informés de leurs droits et obligations pour éviter tout contentieux ultérieur. En cas de doute, il est vivement recommandé de consulter un avocat spécialisé en droit du travail.